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  Croix de guerre
 

Reproduction de plusieurs articles de presse r�gionale relatant la remise de la m�daille " Croix de guerre" � la commune.

 
Cit�e � l'ordre de la division, Lachapelle sous Chaux va recevoir la Croix de guerre
 

D�s l'hiver 1941-1942, la commune de Lachapelle-sous-Chaux fournissait � la R�sistance une section compl�te de trente hommes dont le r�le essentiel a �t� d'effectuer des liaisons, de ravitailler et h�berger les personnes recherch�es par les Allemands.

Cette section, aid�e par l'ensemble de la population, sauva d 'une mort certaine des centaines de patriotes et militaires �vad�s ou bless�s. Son activit� et son audace ont rapidement fait du village de Lachapelle-sous-Chaux le lieu de rendez-vous des principaux groupes de r�sistance de la r�gion : groupes Lorraine et Lib�ration ainsi que le centre de formation des sections F. F. I. gui passaient les lignes pour se mettre � la disposition du commandement alli�.

Les repr�sailles des Allemands ne tard�rent pas � s'abattre sur le village : quatre fusill�s. Quatre morts dans les camps ce concentration, 12 d�port�s, 5 tu�s au champ d'honneur, tel est le lourd tribut pav� � la guerre par cette paisible localit� de notre Territoire.

M. Pleven, ministre de la D�fense nationale, vient de lui accorder la juste r�compense de son h�ro�sme en lui d�cernant la croix de guerre avec la citation suivante :

Citation � l'ordre de la division :

Lachapelle-sous-Chaux (Territoire de Belfort) Commune dont la population a t�moign�, d�s le d�but de son occupation, son attachement � la cause de la libert�.

Dans une unanimit� admirable de r�sistance � l'ennemi et de confiance dans la victoire finale de la France a facilit� par tous les moyens l'organisation clandestine du secteur.

Est devenue rapidement un foyer de r�sistance donnant asile aux r�fractaires et servant de relais aux agents de liaison.

A fourni au groupement d�partemental F.F.I une section particuli�rement combative, a assure en grande partie le ravitaillement de deux compagnies, abrite leurs malades et blesses, ainsi qu'une centaine de s�n�galais et indochinois �vades d'un convoi de prisonniers de guerre.

Malgr� sa position critique sur la ligne de feu, malgr� les repr�sailles terribles des Allemands et de la milice, a conserv� son attitude digne et fi�re.

Avec 13 tues. 4 morts en d�portation. 4 fusill�s et 24 d�port�s, a pay� un lourd tribut pour la lib�ration de la patrie et restera un exemple de patriotisme pour les g�n�rations futures."

Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec �toile d'argent.

 

Au cours d'une �mouvante c�r�monie, la commune de LACHAPELLE SOUS CHAUX a re�u officiellement la CROIX de GUERRE et la section Rhin et Danube son fanion

 

A l'occasion de la remise de la Croix de guerre � la commune de Lachapelle sous Chaux et du fanion � la section Rhin et Danube, d'importantes et �mouvantes c�r�monies se sont d�roul�es dimanche matin. Un temps id�al a favoris� ces manifestations patriotiques et a permis aux populations des villages voisins d'y assister nombreuses.

L'honneur qui �choua � cette commune de notre Territoire est la cons�cration des m�rites qu'elle a acquis par son action h�ro�que dans la R�sistance, la belle citation � l'ordre de la Division qui lui fut d�cern�e par le ministre de la D�fense Nationale, citation dont nous avons r�cemment donn� le texte, est le t�moignage de son action pendant les sombres ann�es de l'occupation.

Ces manifestations furent dans les moindres d�tails, une belle r�ussite. Et pour gela il. convient de f�liciter tous les organisateurs, la Municipalit�, M. Boigeol, maire de Giromagny, qui mit � leur disposition son personnel et son mat�riel ; M. Schoenberg, grand maitre des c�r�monies qui ne n�gligea rien pour en assurer le plein succ�s. Le Monument aux Morts, emplacement officiel de la c�r�monie, �tait joliment d�cor� aux couleurs nationales et devant, l'estrade r�serv�e aux autorit�s, ceinte de banderoles tricolores.

A 9 h. 30, � l'�glise, eut lieu l'office religieux pour les victimes des deux guerres. Apr�s l'Evangile l'abb� Freund, cur� de la paroisse, dans un sermon de circonstance et de toute beaut�, fit le pan�gyrique de ceux qui donn�rent leur sang pour la France et rappela, leur sacrifice.

Une foule nombreuse assistait � l'office et parmi l'assistance, les d�l�gations des D�port�s, R�sistants F,F.I et Maquisards, des Anciens Combattants, des Pompiers, la Fanfare de Giromagny, le Conseil municipal et les soci�t�s des localit�s voisine, on put remarquer la pr�sence de M. le Colonel Guenin, commandant la Subdivision de Besan�on, repr�sentant le g�n�ral Pfister, emp�ch� ; M. Marchand, maire de Lachapelle-sous-Chaux ; M le Docteur Braun, conseiller g�n�ral, pr�sident des Vrais R�sistants ; MM Boigeol, industriel, maire de Giromagny ; le Chanoine Pierre, cur� doyen de Giromagny ; Chatelot, pr�sident de la section d�partementale " Rhin et Danube " ; Grille, pr�sident des D�port�s ; les maires des communes voisines, dont M Grisey maire, d'Evette ; MM. Ledeur, Inspecteur des Contributions ; Moinat, ing�nieur des Ponts et Chauss�es ; M G�hant, de Belfort, le capitaine Marchand, commandant la Compagnie de Sapeurs Pompiers de Giromagny, et les familles des Victimes de cette derni�re guerre.

 
Au Monument aux morts
Monument aux morts - cliquez pour agrandir

Apr�s l'office, les personnalit�s, les d�l�gations et la foule se groupent avec ordre autour du Monument aux Morts, les drapeaux des diff�rents groupes patriotiques de chaque c�t�, et devant, la section du 35� R.I, formant le piquet d'honneur.

A 11 heures, les autorit�s civiles et militaires; M le pr�fet de Belfort, entour� des parlementaires; M. Dreyfus-Schmidt, d�put� et M Boulanger, conseiller de la R�publique ; le Colonel Le Guiliou commandant le 35 R.I. sont re�us par M, le maire et le Conseil municipal et salues par la Clique du 35 R.I, Apres la sonnerie aux'

couleurs et une vibrante " Marseillaise ", l'Appel des Morts est fait par MM. Schoenberg et Marchand, fils du maire, tandis que les soldats pr�sentent les armes.

L'instant est �mouvant, un silence religieux plane sur toute l'assistance, les yeux se mouillent � l'�vocation des noms de ceux qui se sacrifi�rent et particuli�rement de ceux de la R�sistance, victimes de la barbarie nazie. Puis c'est la " Sonnerie aux Morts " ex�cut�e brillamment par la clique du 35, devant les drapeaux abaiss�s.

Les clairons des Sapeurs Pompiers de Giromagny ouvrent le ban et le Colonel Guenin remet la Croix de guerre sur un coussinet, a l'un des trois enfants (fils de victimes) qui accompagnent M. le maire et lit la citation a l'ordre de la Division d�cern�e � la commune.

Le piquet d'honneur pr�sente les armes et le Colonel donne par la m�me occasion son �tendard � la section "Rhin et Danube". Et c'est M. le pr�fet qui s'avance et remet a Mme Linsing, la M�daille de la Reconnaissance Fran�aise pour les services, rendus � la R�sistance et au Pays ainsi que celle d�cern�e � son fils, retenu pour maladie.

Les autorit�s officielles prennent place sur l'estrade et c'est l'ouverture des discours.

Monument aux morts - 18 septembre 1921 - cliquez pour agrandir
 
Les discours

M. Chatelot prend la parole. (Discours dont nous publierons le texte dans un prochain num�ro).

Puis c'est le tour de M, le maire de Lachapelle-sous-Chaux. Dans une courte allocution. il remercie tout d'abord les autorit�s pr�sentes et particuli�rement M Boigeol et son personnel, qui se d�vou�rent pour donner � cette c�r�monie tout l'�clat d�sirable, il relate le r�le de la commune pendant les ann�es de l'occupation et exalte le sacrifice de ses compatriotes, qui surent malgr� les repr�sailles terribles des nazis et de la Milice, conserver une attitude digne et fi�re et accomplir leur devoir de bons Fran�ais.

M le Pr�fet termine la s�rie des discours. Il est tr�s honor� de repr�senter le Gouvernement de la R�publique pour cette belle c�r�monie. Il rappelle le sacrifice de cette commune qui a pay� un lourd tribu pour sa lib�ration. Sa pens�e se tourne vers les morts et leurs familles, il s'incline devant elle. Il remercie et f�licite les d�cor�s de ce matin qui ont contribu� pour une si large part � la lib�ration de la Patrie.

Aux habitants, il adresse l'expression reconnaissante de la nation pour leur action, action qui aujourd'hui re�oit sa juste r�compense dans l'honneur qui leur �choit.

" Le pass� r�pond de l'avenir dit il, et les habitants de Lachapelle sous Chaux sauront r�pondre de leur tradition fran�aise ", Il poursuit en soulignant le caract�re des Fran�ais qui attach�s � la paix, se dressent pour recouvrer leurs libert�s, contre l'envahisseur, l'oppresseur et tous ceux qui veulent imposer sa servitude.

Il termine en souhaitant l'union de tous et la fid�lit� � l'id�al de ceux qui sont tombes pour que vive la France.

Apr�s " La Marseillaise ", ex�cut�e par la clique du 35- R.I, et tandis qui les drapeaux flottent bien haut, la c�r�monie officielle prend fin. Un vin d'honneur est servi � la Mairie aux personnalit�s, invit�s et d�l�gations.

Et pour terminer dignement ces �mouvantes c�r�monies, la musique du 35 R.I ex�cute le fameux " Chant des Maquisards ", ce chant qui symbolise si bien l'id�al de ceux qui combattirent jusqu'� leur derni�re goutte de sang, pour que soit aboli l'esclavage.

" Ami, entends-tu les bruits du pays qu'on enchaine ?"

En r�sum�, belles c�r�monies empreintes de patriotisme, �voquant le souvenir des disparus, et pleinement r�ussies gr�ce au d�vouement des organisateurs

Extrait du journal la R�publique du 25/9/2020

 

L'�mouvant sermon prononc� par Monsieur le cur� de Lachapelle sous Chaux

 

Messieurs,

Mes chers Paroissiens,

Votre commune va recevoir tout � l'heure une r�compense justement m�rit�e pour la part glorieuse qu'elle a prise dans la lib�ration de notre territoire national. Ce n'est pas � moi de rappeler les �pisodes, de cette longue r�sistance qui eut finalement raison d'un ennemi qui pensait s'installer sur notre sol et qui serait sans doute encore ici,

S'il n'avait trouv� devant lui que l�chet� et abandon. Mon r�le et plut�t d'envisager du point de vue surnaturel, les le�ons de cette journ�e.

Qu'il me soit permis auparavant, de saluer et de remercier les personnalit�s et toutes les personnes �trang�res � la paroisse qui ont bien. voulu se joindre � notre pri�re et honorer nos chers morts pour qui cette messe va �tre c�l�brer.

C'est � rappeler le souvenir de ces morts glorieux en priant pour eux que vous commencez les c�r�monies de cette f�te, souvenir qui nous obs�de et qui fait couler encore tant de larmes. Ceux qui sont tomb�s, victimes de leur courage et de leur id�al, sur les champs de bataille et les fusill�s, et les d�port�s, dont le nombre est si impressionnant pour une si petite paroisse, vous tenez � leur donner la place d'honneur qui leur revient aujourd'hui. C'est bien juste car ils furent les principaux artisans de la victoire : leur sacrifice n�cessaire nous a valu de conserver la libert� dont, les Fran�ais sont en m�me temps si fiers et si jaloux. Sacrifice bien m�ritoire ; qui dira l'h�ro�sme de ces combattants sacrifie dans une lutte in�gale ou l'�crasante sup�riorit� ennemie semblait enlever toute utilit� et toute valeur � leur sacrifice ? qui dira le courage de ceux qui ont accept� la mort obscure et sans faste apr�s les tortures et les humiliations de la d�portation ? Gardons pieusement leur m�moire, et si nos pri�res peuvent leur apporter quelque secours dans leur �ternit�, soyons contents de pouvoir faire quelque chose pour eux.

" Il n'y a pas d'amour plus grand que de sacrifier sa vie pour ceux qu'on aime " a dit le Christ.

Et c'est vrai. Toutes les grandes arm�es ont compris la valeur du supr�me sacrifice. On n'arrive � rien de grand, � rien de noble sans qu'il y ait des sacrifices � faire : qu'il s'agisse des conqu�tes de la science, des conqu�tes sociales, des conqu�tes apostoliques, ou qu'il s'agisse des luttes n�cessaires pour maintenir l'ind�pendance de la patrie. Le sacrifice est une loi de la vie : tant qu'il se trouve des �mes g�n�reuses pour le comprendre et l'accepter, on peut esp�rer de l'avenir. H�las ! tous ne le comprennent pas.

"Malheureuse race, � �crit Psichari, qui n'a pas compris ce que valait le sang d'un martyr, qui n' a pas reconnu le prix du sacrifice, celui d'un fr�re pour ses fr�res, celui d'un Dieu pour les hommes".

Le sacrifice est une loi de la vie : ainsi Dieu l'a voulu parce que la vie d'ici bas est destin�e � �voluer vers des cimes toujours plus �lev�es vers des formes toujours plus parfaites, et que seul le sacrifice est en mesure de surmonter les difficult�s, de vaincre les obstacles. Bien qu'une petite minorit� seulement en soit capable, le sacrifice est n�cessaire pour r�veiller la torpeur de la masse, pour stimuler les �nergies toujours pr�tes � s'endormir dans la facilit�. Malheur � nous !, si les jeunes g�n�rations qui pr�parent l'avenir, venaient � refuser le sacrifice pour "ne plus chercher que l'amusement, le plaisir : ne serait-ce pas le pr�lude d'une d�g�n�rescence, d'une d�cadence de notre race dont le pass� est pourtant si glorieux ? Il faut entendre la le�on que nous ont donn�e les h�ro�ques victimes de la guerre. A tous, le sacrifice supr�me n'est pas demand�, mais il est d'autres mani�res de donner sa vie, de se d�vouer pour quelque grande cause que ce soit. Passerons-nous notre vie sans avoir rien fait, sans avoir rien donn� de nous m�mes pour la patrie, pour l'humanit� ?.

Nous sommes � une �poque qui et un carrefour dans les destin�es de l'humanit�. Selon une tr�s belle image de la Bible : " Les base sociales qui soutenait jusqu'ici notre antique civilisation sont �branl�es : elles deviennent incapables de r�sister aux transformations formidables apport�es par la science et la technique moderne. La soci�t� se refait dans les convulsions. Dans cette p�riode de crise, un, chr�tien doit �tre aux avant-gardes de l'action, payer de sa personne et ne refuser aucun sacrifice pour le bien g�n�ral : cela en vertu de la loi de charit�, de fraternit� chr�tienne. Parce que nous sommes tous les enfants d'un m�me P�re qui est dans les cieux nous devons nous aimer, nous donner

comme le Christ jusqu'� la mort s'il le faut, pour pour nos fr�res : en tous cas donner notre vie selon la mani�re qui, nous est demand�e.

Mon v�ux le plus cher, c'est que tous les fid�les de cette Paroisse continuent la tradition de d�vouement et m�me d'h�ro�sme qui les a port�s � si bien servir la patrie pendant les heures difficiles de la guerre. Les hostilit�s ont maintenant pris fin depuis plusieurs ann�es, sur notre sol du moins :

Ce n'est pas 'une raison pour cesser votre d�vouement � toutes les belles causes .qui peuvent vous solliciter et dont le but reviens toujours au m�me : faire monter l'humanit� au plus haut sommet de sa perfection et son bonheur.

Soyez toujours, mes fr�res parmi les premiers et les meilleurs serviteurs de votre pays.

Ainsi soit il.

Extrait de l'Est R�publicain (09/1950)

 
 Revenu de Dachau, un survivant du drame de  Banvillars raconte....
 

Le 6 d�cembre 1944, Belfort apprenait avec stupeur qu'un, nouveau charnier venait d'�tre mis � jour pr�s du petit village de Banvillars. Vingt-sept cadavres, chuchotait-on, en avaient �t� retires. Toutes les �pouses, toutes les m�res dont le mari, dont le fils avaient disparu dans la grande tourmente y accoururent le c�ur douloureux. Longuement, avec une sourde angoisse, elles se pench�rent sur ces pauvres corps mutiles, trahissant par un geste, par une attitude tout l'effroi de leurs derniers instants, pour tenter de leur arracher leur myst�re.

Une d'entre elles, Mme Dugois, devait. y d�couvrir son mari et ses deux fils a�n�s. Une autre, Mme Grandvoinet, de Lachapelle sous Chaux, son mari et son fils. Une autre famille, les Marietta, de Valdoie, les deux fr�res.

Quelle affreuse trag�die s'�tait dons d�roul�e dans ce petit coin perdu, en bordure de la foret de Banvillars. Quand ? Pourquoi ? De quelles odieuses brutalit�s avaient-ils �t� les victimes, ces pauvres enfants de chez nous ? On pensait bien ne jamais le savoir. Quand un jour de mai 1945 surgit de Dachau un homme, un " miracul� " ,plut�t, qui dit :"j'�tais a Banvillars, J'ai assiste a l'affreuse trag�die ".

Cet homme, c'�tait le chanoine Pierre, cure doyen de Giromagny.

Voici en quels termes, �mouvants et sobres, il devait par la suite raconter comment moururent les vingt-sept martyrs de la Resistance.

" C'�tait le 10 octobre 1944. Vers 8 heures du matin, nous sommes mis hors de nos cellules. Quatre soldats allemands, mitraillette en main, nous poussent dans un couloir.

Sur le mur de gauche, on peut lire, en bas d'un sinistre portrait :

" Heil Hitler ".

Sur celui de droite est dessin�e une �p�e bris�e :

" Souvenir de Stalingrad ".

Nous comparaissons devant un officier qui fait faire l'appel de nos noms et au fur et a mesure les efface d'un trait sur un registre. Apres quoi nous devons nous mettre a nu.

Des sous officiers arrachent tout ce qui pouvait plus tard aider a notre identification : dentiers, alliances, objets religieux, plaques d'identit�. Puis nous rev�tons la tenue des condamnes a mort : chemise ouverte, pantalon et souliers, pendant que dans une pi�ce voisine la T. S. F. passe des valses, de la musique joyeuse.

Soudain un garde ouvre la grande porte, on nous pousse dans une camionnette. Au moment de partir, deux Allemands am�nent un brancard sur lequel est �tendu un blesse du maquis, au sourire tranquille : Claude Dugois.

Quatre mitrailleurs nous tiennent en respect. "

La camionnette se met en marche.

"Je m'adresse alors a mes compagnons:

Chers amis, je pense que vous vous rendez compte de notre sort. Nous allons a la mort. Chacun dans votre croyance, priez Dieu d'avoir le courage de mourir en bon Fran�ais.

Et, avant de leur donner l'absolution, je r�cite, les derni�res pri�res.

Claude Dugois me fait quelques confidences.

Andr� Thevenot, le petit sous-officier de Giromagny que j'avais marie quelques ann�es auparavant, me dit : Monsieur le cure, si vous en �chappiez, vous direz a ma femme que je meurs en bon soldat. Qu'elle �l�ve bien notre petite et que dans la vie elle fasse ce qu'elle croit le plus sage. "

Pendant ce temps deux gendarmes se disaient l'un a l'autre : " Chef, je suis baptise, mais je ne sais plus prier."

Et le chef, mettant le bras droit autour du cou de son coll�gue, de scander les mots : " Notre p�re... Notre p�re... qui �tes aux cieux... qui �tes aux cieux...

La voiture avance rapidement. A un moment, elle quitte la grand'route d'H�ricourt, tourne a gauche et s'engage a travers champ, longe l'or�e d'un bois, puis stoppe en se pla�ant .dans l'axe d'un chemin qui longe la foret de Banvillars.

Les quatre mitrailleurs sautent de la camionnette, man�uvrent leurs armes. Arrive alors une automobile de tourisme dans laquelle se trouvaient l'officier de lev� d'�crou, le S. S. fran�ais qui avait vendu l'abb� Pierre et le juge qui l'avait condamne.

Mais laissons plut�t au cur� de Giromagny le soin de d�crire la derni�re sc�ne de ce drame sanglant

"De notre voiture descendent d'abord un S�n�galais et un Arabe. Le S�n�galais murmure en sa langue des paroles que je ne comprends pas. L'Arabe crie : " Moi bon soldat, moi pas mourir ". Tous deux font une dizaine de pas : fusilles !

Puis les Allemands prennent le brancard sur lequel est �tendu Claude Dugois. Ils le d�posent quelques pas, plus loin. A bout portant, deux Allemands l'assassinent.

C'est alors un grand jeune homme, de La Chapelle-sous-Chaux, Pierre Marconot-Thanneur, h�sitant et gauche car il n'a plus ses lunettes. Avec lui est un compatriote : il s'�crie : " Mon papa ! ma maman ! Ma pauvre petite Odette ! " Ils s'avancent tous deux vers les premiers cadavres : fusilles.

Et c'est ensuite un paysan d'Etobon, avec un forgeron, qui marchent courageusement quelques pas... Fusilles.

Vient le tour des deux gendarmes, dont l'un s'�crie : " Courage ! nous avons fait notre devoir ". L'autre appelle son �pouse, son enfant. Ils s'avancent : fusilles.

C'est alors le tour du cure de Giromagny, Il descend de la camionnette.

Je regarde l'officier. Oh ! sans pr�tention

il m'interpelle : " Pierre ? "

- " Oui".

-"weg."

Un Allemand m'entra�ne pendant que la fusillade continue et retentit longuement encore en echos lugubres dans le grand silence de la foret.

Je reste seul avec mes pens�es, avec mon Dieu. Je ferme les yeux et dis : "Maman ! venez me chercher !"

C'est alors que rappel� brutalement, je fais trente pas. Je les fais militairement, quand m�me. Je me pr�sente au garde a vous. Je salue. Puis comme je ne trouvais plus le mot allemand : " fusiller ", je dis

" Wie franzozen officier ! Ich will sterben wie das ! " Comme officier fran�ais, je veux mourir ainsi. " Bien en face et non pas dans le dos.

Les Allemands h�sitent : l'officier fait un geste, discute avec le Juge, puis d'un signe de la main il me montre .la voiture : " Im wagen ". En voiture. Je remonte, seul. Treize cadavres gisent sur le sol ".

Reconduit a Friederich et a peine r�int�gre dans une cellule, le chanoine Pierre a .la douleur d'entendre dans les couloirs un remue-m�nage semblable a celui qui avait pr�c�de leur d�part.

Quatorze autres fran�ais allaient �tre conduits a Banvillars et massacres sur les cadavres encore chauds de leurs camarades, de leur fils, de leur fr�re.

extrait de l'album souvenir de la victoire �dit� par l'Est R�publicain (1946)

 

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